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Jacques, tu affirmes que même si le gouvernement français renonce à la taxe carbone, nous la paierons dans tous les cas ?
Ce n’est pas moi qui dit ça. C’est Jean-Marc Jancovici qui l’a affirmé dans un article publié par Les Echos en date du 24 mars 2010.
Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Jean-Marc Jancovici est ingénieur consultant, auteur de plusieurs livres sur le climat et l’énergie. Vous pouvez trouver des quantités d’informations intéressantes sur ces sujets sur son site « Manicore ».
Donc, la taxe carbone, nous la paierons de toutes façons ?
Oui, la différence est que si le gouvernement français renonce à nous la faire payer, c’est aux pays producteurs de pétrole que nous la paierons sous la forme de hausse des prix des carburants. Et on risque d’être très loin des 17 euros la tonne de CO² qui étaient prévus dans le projet français : entre 2000 et 2008 l’évolution du prix des produits pétroliers a été équivalente à ce qui aurait résulté de l’application d’une taxe carbone de 200 euros la tonne de CO²…
Bien, mais qu’est-ce qui te permet de dire que le prix des produits pétroliers va augmenter à nouveau dans de telles proportions ?
Oh, la raison est fort simple : nous importons de l’étranger la quasi totalité du gaz et du pétrole que nous consommons et les réserves mondiales de ces deux produits sont en quantité finie. C’est mathématique : si la demande continue à monter ou, même, ne fait que se stabiliser alors que l’offre se tasse, les prix vont augmenter.
En définitive, en prétendant vouloir maintenir notre compétitivité pour lutter contre la crise économique, le gouvernement ne fait que créer les conditions qui engendreront tôt ou tard une nouvelle crise encore plus redoutable.
Pardonne moi, mais je te trouve bien sévère et pessimiste pour une décision qui ne concerne, après tout, qu’une taxe fortement contestée par ailleurs.
Non, je ne suis pas trop sévère, parce que ce qui me met en colère, c’est ce manque de courage politique qui consiste, au lendemain d’une défaite électorale, à renoncer à une mesure indispensable et salutaire, en fait, uniquement pour ne pas mécontenter l’opinion, en négligeant deux conséquences majeures de cette décision : Premièrement on se prive d’un des outils les plus efficaces pour amener l’ensemble de la nation à faire un effort réel pour limiter ses émissions de gaz à effet de serre. Deuxièmement, en ne réduisant pas notre demande en énergie, on va augmenter la dette des pays importateurs que nous sommes. Dans les deux cas, ce sont les générations futures qui vont payer.
Alors, si c’était la solution, comment expliques-tu la levée de bouclier qu’a suscité cette fameuse « taxe carbone » ?
Tout d’abord, c’est un peu dans l’esprit français de rouspéter en se plaignant que l’on paye trop d’impôts, et, malheureusement, la « contribution énergie-climat», baptisée maladroitement « taxe carbone » a été perçue comme un nouvel impôt. Qui plus est, de la façon dont elle avait été définie, elle aurait été relativement inefficace sur le plan environnemental et peut-être socialement inéquitable. Mais il n’en reste pas moins que si imparfaite qu’elle ait été, elle avait une valeur symbolique très importante : C’était la première fois, en France, qu’on intégrait dans le prix d’un produit une participation à son coût environnemental.